Anne Le Sonneur à la barre cette semaine et moi, pauvre de moi, je ne suis pas certaine du tout d'avoir compris la consigne... Je touche du doigt ce que ressentent mes élèves dans certains cas.
J'ai tout de même écrit une petite recette.
A déguster ou s'abstenir...
Dans son antre sombre comme l'enfer, la femme s'active immobile. Là, elle fut, là, elle sera. Rien ne changera jamais. A moins que...
Elle ricane sans bruit. Choisit les ustensiles: un faitout, une poêle, une spatule. Elle attrape un couteau pointu comme une aiguille. Passe son doigt sur le fil et sourit. Ange ou démon ?
Ses yeux noirs comme du charbon lancent des éclairs de folie meurtrière quand de l'oignon, elle se saisit. Elle le déshabille en un tour de main. Pas de lascif strip-tease. A poil, l'oignon ! Elle en rugit de bonheur.
Aux tomates maintenant. Les ébouillanter. Comme elle l'ébouillanterait, lui, si elle le pouvait. Se contente des tomates. Les pèle d'un rapide geste délicat, les coupe en petits dés. Et pour débarasser la planche à découper, les verse prestement dans une assiette creuse.
Creux, ce type est creux se dit-elle en silence. Qu'est-ce que je fiche avec lui ! Depuis tant d'années !
Les poivrons verts comme l'espoir qui l'anime ce jour dorent dans le four. Elle les passe au grill, les questionne...
Alors, avec qui tu étais cette fois? Avec qui ? Ah ! c'est comme ça, hein ! Tu n'étais avec personne ! Tu as juste travaillé tard ? Ben, mon coco, tu me prends pour une bille ! Et la bille, elle en a marre ! Tu sais quoi ? C'est la dernière fois qu'elle cuisine pour toi, la bille !
Lorsqu'ils sont bien grillés, elle sort le plat de poivrons du four. Avec tendresse et douceur elle enlève la fine pellicule de peau. Puis, prise à nouveau d'une rage barbare, les tranche en lamelles d'un geste sec, sur l'autel de la planche. La lame tombe, et tombe et retombe encore telle un couperet.
Tiens, voilà pour toi ! Et voilà encore ! Non mais ! Tu crois quoi ?
Elle pose le faitout sur le feu, y verse l'or de la Provence, la fameuse huile d'olive, celle qui, paraît-il, leur donne une meilleure santé qu'aux gens d'ailleurs, au beurre régalés.
L'huile frissonne, elle y jette les oignons et touille lentement, les regarde dorer et gémir et se tordre. Lorsqu'ils lui semblent à point, elle les réserve dans une assiette plate comme sa vie. Au tour des poivrons maintenant. Ils subissent sans ménagement le même traitement.
Moëlleux à souhait au bout d'un moment. Alors elle grince, princesse sorcière écartelée:
Voilà ce que je voulais moi ! De la tendresse, de la douceur, regarde moi ça, ce n'est pas merveilleux tant douceur ?
Elle ajoute les oignons qu'elle avait préparés, mélange avec l'énergie du désespoir les deux légumes, verse sur le tout les dés de tomates, le sang du potager. Il ne lui reste qu'à saler et poivrer et attendre patiemment que son frichti réduise. Quand l'eau, telle son rêve d'amour bonheur, se sera évaporée, le repas sera prêt. Il ne restera qu'à saupoudrer d'un peu d'ail pressé. Deux coups de spatule, deux minutes de cuisson.
Et servir avec des oeufs au plat ou une tranche de jambon cru épaisse comme la main.
Mais voilà qu'elle se saisit d'un pot de verre. Que va-t-elle ajouter ? Des champignons, des champignons ramassés cet automne, séchés au beau soleil du midi... C'est bon les champignons. Oui, mais dans cette recette ... Elle s'en fout ! Elle les a ramassés, elle les utilise. Il n'avait qu'à réfléchir ! Et c'est tout !
Elle dresse ensuite une jolie assiette, dépose quelques fleurs sur la table, enlève son tablier.
Puis elle se rend dans la chambre, change de vêtements, se maquille et se recoiffe. Elle griffonne ensuite un petit mot et le pose bien en évidence à côté de l'assiette.
Je suis sortie faire quelques courses. Ton repas est prêt, tu n'as qu'à le réchauffer au micro ondes. Mange sans moi, j'en ai pour un moment.
Enfin, elle tourne le dos à la cuisine et sort en chantonnant.
Recette de départ:
la piperade
Remplacez l'huile d'olive par de la graisse de confit et surtout.... n'ajoutez pas les champignons !!!
A déguster avec du jambon de Bayonne coupé en tranches épaisses et poêlé.
BON APPETIT !
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