Après la concision des haïkus, une réflexion sur la place de la femme, telle que je la vois, en France en 2011. Et une invitation au débat.
Née au milieu du siècle dernier ( oh! que ça fait vieux! je le sais, je fais exprès! ) j'ai connu l'époque où les filles avaient moins de possibilités que les garçons. A eux les autorisations de sorties, à elles les conseils de prudence et le toit protecteur de la maison familiale. A eux les maths, à elles la couture ou, à la rigueur, la littérature. Ils avaient des mobylettes, elles risquaient l'accident. Ils avaient des amoureuses, normal, les hormones les travaillent, on les gardait vierges pour un mari à venir. Lorsqu'ils disait des gros mots, le mâle parlait en eux, si cela nous arrivait nous étions vulgaires. je pourrais continuer cette liste à l'infini.
Nos mères votaient depuis peu d'années (1944) , elles n'avaient pas le droit d'ouvrir un compte en banque ni un commerce sans l'autorisation de leur mari. Le père était pour la loi le seul chef de famille dans les couples mariés.
Les femmes qui, " les pauvres ", n'avaient pas trouvé de mari étaient à plaindre, trop moches, trop bêtes... à moins que ce ne soit des moins que rien qui " avaient fêté Pâques avant les Rameaux " et qui, pour leur punition, avaient récolté un marmot qu'elles élevaient avec honte. Et c'était bien fait pour elles.
Bien sûr, elles bricolaient comme elles le pouvaient pour ne pas être enceintes, ça ratait souvent, mais la contraception était hors la loi et l'avortement "crime contre l'Etat".
C'était le temps d'avant. Celui que parfois, on regrette en l'appelant le "bon temps".
J'ai eu de la chance. Dans cette France-là, mes parents ont exigé que je fasse des études car " c'est le seul moyen d'être indépendante " disaient-ils en coeur. On m'a parlé de vie sexuelle alors que certaines de mes copines croyaient dur comme fer que les cigognes étaient généreuses. Il a fallu, c'était obligatoire, que je passe le permis de conduire, "clé de la liberté ". Je n'y tenais guère, j'étais morte de trouille mais je n'ai pas eu le choix. Et c'est tant mieux. Je le sais aujourd'hui. Les femmes de ma famille militaient à leurs façons pour l'égalité entre les sexes. Mon grand-père préparait la soupe, mon père savait coudre, lavait la vaisselle parfois, cuisinait aussi d'autres fois. La maison reposait pourtant sur leurs épaules à elles. Elles n'étaient ni amazones ni soumises. Ils n'étaient pas des tyrans domestiques. La démocratie régnait chez nous. Je n'ai jamais eu envie d'être un garçon. Je trouvais que ça ne devait pas toujours être marrant toute cette violence que je sentais dans leurs rapports. Je les trouvais fanfarons, j'étais plutôt discrète. Bref, j'étais bien à ma place de fille.
Je n'avais pas le droit de sortir, je me débrouillais pour sécher les cours (je sais c'est moche...) et faire ce qui me plaisait. J'ai eu des amoureux et les rendez-vous secrets, c'est vraiment plus excitant finalement. J'ai eu la chance de choisir mes études et si je n'ai pas choisi la voie royale des maths, le sexisme n'y est pour rien. Je voulais faire des études littéraires, apprendre les langues et me fichais complètement des équations!
Lorsque j'allais chez la plupart des copains, j'étais surprise de voir les pères régner sous leur toit. Je découvrais que certaines femmes ne sortaient pas sans leur mari. Ça leur était interdit sous peine de drame. Certains interdisaient qu'elles travaillent. Et elles obéissaient! Je découvrais ce qu'était vraiment la place des femmes. Alors, j'ai commencé à militer pour l'égalité entre les sexes.
Et puis j'ai grandi.
La contraception est arrivée, le droit à l'avortement aussi. Les femmes ont été de plus en plus nombreuses à travailler. Le monde a changé. Je devrais m'en réjouir. Pas vraiment. Je me suis battue pour l'émancipation de la femme. Naïve, j'ai cru qu'il était possible d'être une bonne mère, une bonne épouse, une femme accomplie et une professionnelle de choc. Je m'y suis employée. J'ai essayé de faire mon travail de mon mieux, avec coeur, sans compter mes heures, jamais. J'ai été une maman disponible, j'ai joué avec mes enfants, parlé avec eux, suivi leurs études, fait le taxi vers le collège, le sport, le théâtre, les copains... J'assistais aux réunions avec les institutrices puis les professeurs. J'ai secondé de mon mieux l'homme, l'encourageant dans ses tentatives diverses, le libérant des contraintes ménagères, moi qui, comme toutes les enseignantes, étais TOUJOURS en vacances, j'avais le temps... La maison était propre, le linge lavé et repassé, le frigo rempli, les repas variés et plutôt bons. Nous faisions des promenades en famille. Je trouvais le temps de me pomponner en plus et de rester féminine. Comme l'homme était capable de passer au supermarché de temps à autre, de laver une vaisselle et de faire deux couettes à petite dernière (tout à fait assymétriques les couettes, il est vrai), je me croyais une femme libre. Cela me réjouissait.
Et bien, je vais vous dire ce que j'en pense aujourd'hui: la libération de la femme c'est du pipeau !
Pendant toutes ces années, j'ai eu un compte en banque, un boulot, une famille, mais jamais je n'ai eu une minute à moi, sinon la nuit parce que je suis une petite dormeuse ! Je me pensais heureuse même si je n'avais plus le temps d'écrire, de me faire des amis ou de ne rien faire tout simplement. Il a fallu que je devienne grand-mère célibataire pour avoir enfin le temps de me faire plaisir ! Vous trouvez ça normal vous ? Et je sais que mon histoire est celle de la plupart des femmes du monde occidental. Je ne regrette pas mes choix. Je voulais une famille à chérir, j'ai aimé mon travail. Et si je me suis oubliée, ce n'est la faute de personne, juste de mentalité, de coutumes et d'environnement... Je ne regrette pas d'être née femme. J'ai eu ce bonheur indicible de donner la vie et pour cette raison je n'aurais pas aimé être homme. Pourtant, bien du chemin reste à faire pour que nous ayions les mêmes chances d'épanouisement. La libération de la femme au bout du compte, c'est deux fois plus de travail pour nous.
Nous avons cru nous libérer, nous nous sommes créé des chaînes supplémentaires.
Je ne prône pas le retour en arrière, surtout pas! Mais il est temps de s'arrêter et de réfléchir à la façon de continuer ce chemin. Pour que nos filles aient le temps de penser à elles. Il n'est pas normal de devoir choisir entre carrière et famille, entre ceux qu'on aime et soi-même. Il n'est pas possible de tenir tous les rôles sans y laisser des plumes.
La Journée de la femme a cent ans!
Je n'ai pas abordé le sujet des femmes battus, violées, excisées, exploitées, vendues.... volontairement. Je voulais simplement dire que nous sommes loin du compte sous nos latitudes, peut-être aussi par notre faute. Le débat est ouvert...
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